Le régime juridique de l’état d’urgence est-il la réponse appropriée pour faire face à la menace terroriste en France ?

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par Margot Rialland (Université de Montréal)

RÉSUMÉ

Depuis les attentats qui ont frappé Paris le 13 novembre 2015, la France vit sous le régime de l’état d’urgence. Il s’agit d’un régime d’exception qui renforce les pouvoirs des autorités civiles et qui permet d’autoriser des perquisitions et de restreindre certaines libertés, notamment celle d’aller et venir ou de réunion et de manifestation. Alors que deux autres régimes d’exception en cas de crise sont inscrits dans la Constitution française (art. 16 et art. 36), le Premier ministre et la ministre de la Justice ont déposé un projet de loi afin d’y inscrire également l’état d’urgence. Face à la polémique que cela a provoquée, ce projet a dû être abandonné en mars dernier.

 

Le gouvernement justifie l’instauration de l’état d’urgence par le fait que ces mesures exceptionnelles sont efficaces et nécessaires afin de lutter contre le terrorisme. Sa prorogation serait essentielle dû fait que la France est particulièrement visée par les menaces terroristes et que le risque d’attaques reste élevé.

 

Pourtant, il apparait que ce régime juridique n’est pas aussi efficace que le souhaiterait le gouvernement. De nouveaux attentats ont d’ailleurs frappé la France depuis la mise en œuvre de l’état d’urgence, ce qui démontre que ces mesures ne sont pas infaillibles. De plus, de nombreux experts s’insurgent contre le fait qu’il ne serait pas nécessaire de vivre sous un régime d’exception, car le droit commun dispose de tous les moyens nécessaires pour faire face au terrorisme. L’arsenal législatif ayant été renforcé ces derniers mois, il n’y aurait plus de nécessité de proroger l’état d’urgence.

 

Finalement, les craintes de voir un pouvoir arbitraire s’installer en France sont nombreuses. Les dispositions relatives à l’état d’urgence, par exemple les perquisitions administratives ou les assignations à résidences, sont soumises au juge administratif et non au juge judiciaire. Les éléments factuels nécessaires pour décider d’une mesure restrictive de liberté sont faibles et les recours contre l’administration sont limités, ce qui fait craindre à un déséquilibre entre le pouvoir administratif et le pouvoir judiciaire, qui aurait pourtant les moyens d’agir en vertu du droit commun. Pour le moment, des groupes de défense ou même des citoyens recensent les abus, dérives ou détournements auxquels ils assistent.

 

En conclusion, le régime de l’état d’urgence était la réponse appropriée à la suite des attentats du 13 novembre 2015, dans un contexte d’urgence. Désormais, il faut que la France s’adapte autrement à la menace terroriste permanente à laquelle elle doit faire face, ce régime d’exception ne peut être que temporaire. Il sera nécessaire d’envisager d’autres solutions qui permettront d’assurer la sécurité sans être attentatoire aux libertés.

 

Fichier :  Billet de blogue_RIALLAND Margot

Citation : Margot Rialland, « Le régime juridique de l’état d’urgence est-il la réponse appropriée pour faire face à la menace terroriste en France ? », Document de travail n°10, OSN, 2016.

 

This content has been updated on 7 February 2017 at 12 h 57 min.

Comments

Un commentaire pour “Le régime juridique de l’état d’urgence est-il la réponse appropriée pour faire face à la menace terroriste en France ?”

Audrey Lamothe

13 October 2016 at 18 h 48 min

Je tiens à remercier Mme Rialland pour son article. Effectivement, il décrit bien le régime juridique de l’état d’urgence ainsi que sa mise en œuvre. Les diverses attaques terroristes faites envers la France (et partout à travers le monde) par la montée du radicalisme apportent beaucoup de questionnement relativement aux mesures nécessaires pour contrer le terrorisme ainsi que l’empiètement que ces mesures entrainent sur les droits individuels.

Je suis d’avis qu’il est important de tout mettre en place pour l’élimination d’éventuelles attaques terroristes. Par contre, je suis en désaccord avec certaines façons de s’y prendre. Tout d’abord, tel que mentionné par l’auteure, l’état d’urgence n’a pas empêché la France d’être victime de nouvelles attaques terroristes. Ensuite, par cet état d’urgence, on brime plusieurs droits garantis aux citoyens. Finalement, il existe déjà des lois qui permettent à l’état d’agir dans des cas de lutte contre le terrorisme. L’élimination du terrorisme, mais à quel prix?

L’état d’urgence, dans lequel est plongé la France depuis les attentats du 13 novembre 2015, est une mesure provisoire. Pourtant, cet état est en vigueur jusqu’à la fin janvier 2017. La prolongation de l’état d’urgence, état dit exceptionnel et temporaire, remet en question le principe de la séparation des pouvoirs et l’octroi de pouvoirs arbitraires. Rien n’indique à l’horizon que ces attaques se termineront sous peu. L’état d’urgence deviendra-t-il un état permanent? Qu’en est-il de la démocratie? La France entre en compagne électorale en 2017. Il sera intéressant de connaître la position et les solutions envisagées par les divers partis.

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